
La neige a recouvert Istanbul, les températures sont descendues sous zéro degrés: le mois de janvier nous fait comprendre que l’heure de la trêve hivernale a sonnée. Les vélos sont déposés en sécurité et il est l’heure pour nos quatres amis de se séparer.
Les deux Elliot.t quittent Istanbul pour un Workaway dans le sud ouest de la Turquie le vingt janvier.
Le vingt et un janvier, je me sépare d’Emilien, qui retrouvera sa famille deux jours plus tard pour passer une semaine avec eux dans la capitale économique du pays.
De mon côté, je m’envole (par voie terrestre rassurez-vous) avec Silouane et Lucien en direction de Trabzon, tout à l’Est du pays, située à proximité de la frontière géorgienne.
Silouane et Lucien sont originaires de Paris. Plus précisément à deux rues de chez moi. Ils ont un parcours scolaire semblable au mien.
Avec surprise, nous découvrons que nous avons de nombreux amis en commun, en plus de nos dées politiques et de nos goûts musicaux.
Ils sont meilleurs amis, et ont décidé pour leur année de césure de mener un projet très similaire au nôtre: du bateau - cargo pour aller en Asie du Sud-Est, au retour par le transsibérien en passant par la mission solidaire sur place.
Incroyable !
Ils n’ont pas de vélo en revanche et leur voyage s’est fait en avion jusqu’à Athènes, et depuis, en stop ou en bus.
Ils ont du remanier leur itinéraire comme nous, et se dirigent désormais vers l’Iran.
Nous passons au total onze jours ensemble.
On longe tout d’abord la mer noire en bus pendant quatre jours avec des arrêts à Amasra, Safranbolu, Sinop et Trabzon.



Puis on arrive dans la petite ville de Tonya, où nous passerons une semaine. Nous étions censés initialement aider dans une ferme, tenue par la grand mère du colocataire d’une amie à eux.
Finalement, on nous fait comprendre qu’il n’est pas question de faire quoi que ce soit pour aider: nous sommes leurs invités !
Zut alors…
La ville est, on ne peut plus authentique (nous sommes les premiers touristes depuis dix ans, les gens nous arrêtent fréquemment dans la rue pour prendre des photos avec nous, et le nombre d’habitants parlant anglais se compte sur moins d’une main).
Les montagnes directes entourant la ville sont peuplées d’ours et de loups, aussi on nous déconseille de nous balader dans les hauteurs sans fusil de chasse (on nous prévient la veille où nous avions justement prévu une balade - pique-nique dans les montagnes…)


Voilà pour le décor de ces onze jours passés tous les trois, avec une ambiance totalement différente de celle de notre groupe.
C’est celle de deux meilleurs amis + moi (pièce rajoutée à leur périple) , avec une autre façon de voir les choses, d’autres sujets de discussion, d’autres manières de cuisiner…
C’est génial de continuer à se balader, mais en changeant de type et d’ambiance de voyage: fini le vélo et place au bus, fini le camping et retour à la vie en appartement, ce n’est plus trois meilleurs amis qui m’accompagnent mais deux inconnus…
Je ne raconterai pas plus en détail cette semaine qui s’est déroulée à merveille, avec des superbes rencontres, des nouveaux amis, des jeux traditionnels turcs…
Je vais plutôt vous parler de la suite, c’est à dire mon épopée turque en solitaire !

Je me sépare d’eux le premier février pour aller à Mardin, ville située pas très loin de la frontière syrienne.
Changement d’ambiance donc, car après quatre mois passés à quatre, et onze jours passés à trois, me voici seul.
J’aurai pu aller retrouver les Elliot.t ou rejoindre Émilien, mais la Turquie est un grand pays et ils sont actuellement à plus de quarante heures de bus.
Autant profiter de cette opportunité de voyage en solitaire, je les rejoindrais plus tard. On a de nombreux mois de voyage ensemble prévus, qui sait quand et si cette opportunité se reproduira !
Je retrouve (découvre ?) donc les joies de visiter une ville inconnue en solitaire: pas d’envies différentes ou de contraintes de temps, je n’ai rien à faire, je ne suis pas pressé et surtout: je n’ai rien de prévu !

Je laisse donc à mon cerveau seul la décision de tourner à droite, et à mon estomac de s’arrêter dans tel restaurant.
C’est peut être parce que j’étais seul et que comme lui j’avais l’air d’avoir rien à faire que le grand père Mehmet m’a fait visiter une mosquée, puis m’a invité à aller boire un thé.

J’ai du me débrouiller seul pour faire la conversation et sortir mes plus beaux proverbes turcs pour le faire sourire.
Tout comme mon hôte airbnb, ancienne tradeuse à Istanbul reconvertie dans la fabrication de vêtements à partir de tapis usagés, qui m’a proposé un verre de vin de sa fabrication artisanale.
Les photos parleront d’elles-mêmes quand à la spécificité architecturale unique de cette ville turque.




Je me mets, après ce séjour de trois jours, en route vers la Cappa Docce, à la suite d’une course poursuite effrénée !(je déconseille a ma mère ou a mes grands mères de lire les prochaines lignes…)
Seul, on comprend pas tout. C’était justement le cas quand j’ai dit au chauffeur de bus de me déposer à la gare une heure en avance, et qu’il m’a déposé à l’opposé de la ville, une heure après.
Pas le choix, je fonce dans le premier taxi et je lui explique la situation: il a deux minutes pour m’amener à la gare routière qui se situe théoriquement à une vingtaine de minutes.
Challenge accepté visiblement.
Crissement de pneus et vlan en avant.
Justin Lin aurait sans aucun doute embauché directement ce chauffeur pour jouer le rôle principal dans toute la suite des Fast and Furious s’il avait été à ma place.
Les limites de vitesses sont humiliées, les lignes blanches continues sont invisibilisées, les priorités oubliées, et le contre-sens hautement pratiqué.
Pour la première fois en Turquie, je suis content qu’il y ait une ceinture de sécurité (car dans de nombreuses voitures/taxis, il n’y en a pas, ou alors ce sont des fakes) et je m’y accroche fortement.
Trente minutes de sueur intense, et on rattrape le bus à l’arrêt d’après.
Sans accroc.
Je découvre ensuite les joies du bus turc en solitaire, avec des chauffeurs incompréhensibles et odieux: ils ne veulent pas communiquer avec moi, ne parlent pas anglais, et ne font pas l’effort de regarder google traduction sur mon téléphone quand je veux savoir s’il s’agit d’une pause toilette ou d’une pause restaurant, car quand le trajet dure quatorze heures, il faut manger mais il faut aussi s’assurer que le bus ne parte pas sans soi…
J’adore les turcs, tout le monde a été adorable dans mes moments de solitude, quand je me suis retrouvé, perdu et seul, dans des gares inconnues sans savoir où aller pour continuer mon trajet, et nombreux sont celles et ceux qui m’ont aidé du mieux qu’ils/elles ont pu .
Tous les turcs donc, sont adorables, mais pas ces satanés chauffeurs de bus.
Les traditions sont différentes également, j’apprends plus tard que les nombreux scarfaces d’un des chauffeurs de bus à mon égard étaient probablement dûs au fait que j’avais ôté mes chaussures (quatorze heures de trajet c’est compréhensible il me semble, de vouloir se mettre à l’aise). Là encore, à deux ou trois, on discute, on échange, on comprend pas les mêmes choses au même moment, et on peut en rigoler. Tout seul il faut se débrouiller et c’est pas toujours très amusant.
Arrivée en Cappa docce sous une tempête de neige.
L’attraction principale, les montgolfières ne volent plus depuis plus de vingt jours. Des dizaines de milliers de touristes ont décalés leur retour le plus possible pour pouvoir vivre cette expérience unique et ont dû rentrer chez eux dépités.
Le lendemain de mon arrivée, un beau ciel bleu apparaît, le vent s’estompe brièvement et je peux m’offrir cette expérience unique.



Les auberges de jeunesse sont une belle invention, regroupant les voyageurs (dont en fait une grosse partie sont des voyageurs solitaires) du monde entier sous un même toit, et ce, à petit prix.
Je me retrouve donc avec un couple d'allemands, Kali et Lukas (qui à eux deux doivent cumuler plus de 100 tatouages et percings), d'une trentaine d'annees, qui sont venus en vélo d’Allemagne. Un charpentier allemand, Anton, de vingt deux ans, venu egalement en velo (A croire que c’est à la mode de venir en vélo…)
Deux étudiants turcs, Yusuf et Yasin, venus pour le week end. Un professeur de guitare, venant de France qui voyage un moment. Un basque habitant à Biarritz mais qui ne parle pas français et qui à l'air complètement paumé.
Un sud coréen, Kim (comme le dictateur du pays voisin, mais attention, Il nous prévient d'office que le dictateur Kim Jong Un est son pire ennemi).
Un groupe de 5 Malaisiens aux nombreux voyages vient completer ce beau monde.
Beaucoup de monde de tous les continents aux histoires passionnantes, et aux anecdotes multiples.

À un moment où je me balade avec Yusuf et Yassin, je vois un homme et une femme, la trentaine, et la vue derrière est magnifique: je les prends en photo discrètement.
Puis je me dis que ce serait dommage de ne pas les en faire profiter, donc je vais les accoster. S’ils ont whatsapp, je pourrai leur envoyer la photo une fois développée plus tard.

C’est enfait un couple allemand, Tony et Ricada, venu en van.
Ils me feront visiter leur van et je ne les quitterai ensuite plus pendant les 5 prochains jours. Une connexion incroyable avec Tony, 30 ans complètement surexcité.
Ca deviendra mon meilleur ami pendant la semaine avant de chacun reprendre notre route et de se dire au revoir à sa façon: « See you in 5 ! » .
5 minutes, 5 hours, 5 days, 5 years…

Une semaine incroyable, où encore une fois la solitude est un atout : j’ai un programme toujours aussi peu chargé, et ne suis toujours pas pressé.
Aussi quand Yusuf et Yassin vont visiter une autre ville pour la journée, je les suis sans hésiter, tout comme Ricada et Tony le lendemain.
À la suite de ces décisions spontanées, des aventures et des rencontres en découlent.
Je découvre des villes que je n’aurais probablement pas vu seul. Je me retrouve dans des musées où je ne serais jamais allé de ma propre initiative…
A deux, trois ou quatre amis, je serai probablement passé à côté de toutes ces relations fortes et ces moments que j’ai vécu en l’espace de quelques jours.

Après la Cappa Docce, c est vers Antalya que je me dirige.
Cette fois-ci, ce n’est plus après quatorze mais bel et bien (tenez vous bien) après vingt six heures de bus que j’arriverai à destination.
Pourquoi est ce qu’on prend pas l’avion déjà ?
Le climat est totalement différent, à neuf cent kilomètres de la cappa docce, je passe de la tempête de neige et de la neige jusqu’au genou à des balades en t-shirt accompagné de baignades sous un gros soleil d’une vingtaine de degrés.

Cette ville où je ne devais au départ rester qu’une nuit, me séduit et je décide de rester plus, toujours dépourvu de contraintes.
L’atmosphère est calme, paisible, il y a des espaces verts (première fois en Turquie ), des parcs ou des familles entières pique niquent, des plages assez désertes du fait de l’absence de touristes… (vive le voyage hors saison, je pense qu’une ville comme Antalya ne vaut pas le détour en juillet, alors qu’en février, sah quel plaisir! )

J’y resterais quatre jours, et rencontrerais cette fois une allemande de vingt cinq ans, voyageant seule (avis aux femmes qui me liraient et qui n’oseraient pas faire de même malgré une envie bien présente: elle se porte super bien, fait du stop, et conseille à tous mais surtout à toutes de voyager, sans attendre un.e éventuel.le accompagnateur/accompagnatrice !)
Un canadien d’Ontario, mordu par un chien lors d’une randonnée se retrouve lui aussi bloqué par hasard dans cette ville en attendant ses injections de vaccins contre la rage.
Un habitant de Wales de dix neuf ans (c’est peut être la première fois que je rencontre un voyageur plus jeune que moi sur la route), travaille dans l’auberge de jeunesse où nous sommes pour trois semaines et complète cette équipe qui durera trois jours.
Encore des bons moments, d’autres rencontres et des découvertes incroyables.
Petit point negatif neanmoins remarque chez nos amis à l'international: les francais (et tout particulierement les parisiens) ont tres mauvaise reputation !
On ne parle pas anglais, on ne veut pas faire l'effort d'aider ou ne serait-ce que d'essayer de parler anglais, et on ne se montre pas aimable quand un touriste ose nous demander un coup de main ou son chemin !
Quelle tristesse en apprenant ca, moi qui depuis 2 mois suis si bien recu par n'importe quel turc croise sur la route...
C'est un point important et j'espere que celles et ceux qui me liront auront l'opportunite et la chance de pouvoir aider, rendre service à un touriste demain ou un autre jour, que ce soit pour l'aider a acheter un ticket de metro, ou aux alentours de midi pour lui conseiller son restaurant prefere.
C'est un geste simple en l'apparence, qui peut sembler bizarre. Aller vers l'autre, comme ca, sans raison. Mais pour l'avoir vecu et ressenti, c'est tellement agreable et si gentil !
Surtout qu'apres, un bon moment, une amitie meme (courte ou longue) et d'autres opportunites pourront en decouler !
Gardez ca dans un coin de la tete pour quand le moment se presentera :)

Mon objectif personnel, si tenté qu’il y en ait eu un, est atteint:
je sais que je suis capable de voyager seul, et surtout je me suis rendu compte que j’adorais ça: une liberté incroyable, des possibilités multiples et un sens de l’organisation et de la débrouille sans cesse en activité (et donc en amélioration constante!)
Autre objectif atteint: mes trois compagnons de voyage et notre routine de voyage à vélo: manger des pâtes mal cuites, dormir en tente… me manque et j’ai hâte de reprendre la route avec eux. Le fait d’avoir croisé énormément de cyclistes pendant cette période de backpacking m’a montré qu’il y avait toujours autant de monde sur les routes, que certains étaient arrêtés pour l’hiver mais que d’autres continuaient à rouler malgré le froid, la neige et l’hiver (oui, nous sommes passés pour des petits joueurs aux yeux de certain.es)
Des rencontres nous attendent, des paysages et des spots de bivouac incroyables également, et j’ai hâte de reprendre la route sur les terres iraniennes !
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Joli récit bonne route Senghor
Dom